Je suis mariée avec un prêtre…


Extrait du livre « Fils de prêtre » (Marc Bradfer)

« Je suis mariée avec un prêtre…
-Vous devez quitter cet homme!
-Mais ce n’est pas possible, je l’aime et nous avons des enfants…

Celui qui m’entendit parler ainsi quitta brutalement le confessionnal sans rien me dire. J’étais allée me confesser de ma faute à l’église du Taur; c’était en 1945, juste après la fin de la guerre, j’avais vingt deux ans.

Tu vois, Marc, je ne pouvais plus prendre la communion, je n’en avais pas le droit. J’en ai parlé, bien des années après à ton grand père, qui m’a dit, en me rassurant que cela n’avait désormais plus d’importance, et que si je le désirais, je pouvais communier, il le prenait sur son compte.
Voilà comment ma mère fut chassée du confessionnal où elle s’était agenouillée. Elle avait cru que la faute qu’elle portait pouvait monter jusqu’au ciel et s’en trouver libérée par Dieu.
Mais non, cette femme qui avait péché aux yeux de l’Eglise, cette femme, ma mère, soudainement bâillonnée et emmuré dans son désir d’être écouté et comprise, ne parviendrait plus jamais à se réconcilier totalement avec l’Eglise. Il était interdit d’aimer, d’être une femme, et de vivre l’amour.

Dans l’Evangile, le pain était rompu pour être partagé, chacun prenant une part, mais ce jour là dans ce confessionnal, la parole fut rompue pour être condamnée et ce prêtre refusa de prendre sur lui une part du désarroi d’une jeune mère qui lui faisait confiance. Il ne restait que le silence, le vide, l’abandon et la fuite. Le confessionnal devint le tombeau de sa parole.

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